Paris sur ma joue

Paris
sur ma joue
autrefois bercée de larmes
et de brumes souvenirs
Paris chaque jour
éveille en mes yeux
cette absence
l’oeil alerte
parmi les rues
et parmi les visages
charnières des murs
cherche
ce gène des regards
cherche
sous la chyme froide
ce gène au sol infondé
grattant
le bitume
et
l’iris
pétrolifère
Paris
étoile colorée
plissée de soleil
et de jets d’eau
griffant le ciel
mes beaux terrils de béton
gavés de vies
et creusés de rêves
ton pas allant
mains dans les poches
dans le caban resserré
de ton histoire
dans les mouvances forcées
de la géologie des poubelles
les flux des corps
rendent les gestes
imprécis
et la transparence
se dessine
en nos soleils poreux
en nos soleils constants
ton corps endormi abrite la nuit
le pétillant des riffes
et dans les jardins à couvert des arbres
les coupes dentelles obscures de tes pensées-lois
il n’est plus d’éternel
plus de beauté unique au repli
d’un hiver
comme on tresse
couronne au souvenir
rien qu’un cliché décati
de son propre dos de soleil
et la pensée restante d’illusions suspendues
dans la lumière
et les poussières
Paris
malgré les vents
et mon vol affolé
je te suis
les corps
s’esquissent
dans le reflet des vitres
et tes mille seins
comme Montmartre
enfantant la vie d’un ciel sacré
mais couvert
couvert
de trois femmes
traces de pas
dans la boue figée
trois femmes doubles
dont le tranchant élimé
caresse encore
les contours
immobiles
du fruit
je me couche
Paris
sur ton sol
dans les yeux clos
de ma mémoire
au creux de ton enfance
une image formant
ce bas-lieu
que tu cherches
autant que tu le foules
cette image interdite
loubarde de ton impasse
et toi
seul
serré de ton pull
dans les froids
et les sucs
dont le goût
sans souvenir
chaleur derrière la fenêtre
appartement solitaire
vision trouble
tu sais pourtant
qu’ici
se cache
l’origine de ton mal
j’évite le soleil exposé
je joue les reflets
diamants des eaux
je marche enveloppé
du tissu
des nuages
je couche Paris sur ton ciel
dans l’anamnèse
de ma chair
bien calée
au fond de l’estaminet
où sont tombées furieuses
de mes mains
des gouttes
de vin
larmes
larmes
de
ton
sang
séché
comme je serre
un matin
tout-autre de joie
je te bois
Paris
comme jadis
l’ami buvait la Seine
et butant sur la
souche de ma peau
je m’adosse
à tes visages imprimés
et j’attends
l’ouverture du ciel
parmi les inertes
peu importe
de reconnaître vraiment
combien d’images
se superposent
c’est leurs blessures
qui me parlent
c’est leurs blessures
qui me donnent sens
Quelle constellation m’entoure ?
où débute-elle ?
où ai-je pris le cours de l’histoire ?
sur quelle épaisseur
dans l’arrière-pensée
de mes âmes chargées d’écritures
et les divagations
de mes nuits d’excès
plante trop mûre
forcée d’engrais
salutaire
toujours un peu d’eau de pluie
trace le marbre au pied des statues
je me fissure alors
aux chaudes baies ouvertes sur la rue
et mon regard s’attarde
au passage
que tu es
cette cache
lumière
des tes yeux
à la semelle
de tes souliers vernis
et je réponds fier à l’orgueil
des nuits sans sommeil
car je suis fait
de ces couches opposables
ne poser qu’un pied
sur la lumière rapide
et d’un geste
ce merci
marquera
les visages
de ce millier
d’humanités
qui habitent
ma mémoire
je suis faible part
si rarement aboutie
si rarement devinée
mais j’ai gardé l’oeil
et l’appétit du devenir
l’espoir
d’un zinc
au toit
éclatant
je pose mon oreille
sur ta peau
et dans le pli de tes artères
j’entendrai le bruit sourd
et intermittent
de ton corps
qui espère
comme il s’écoule
malgré toi
tant se vide
le sourire
alors
je laisse reposer
l’illusion
du tout
encore un jour
je laisse
venir à moi
ces pays
je laisse
ce temps perdu
au repos de mes autres âmes
je laisse
ce pas chancelant
et mon col
au printemps
entr’ouvert
et j’y accroche
la paix
malgré
la chair
et
les lacunes
car Paris n’est qu’une ligne
tracée vers ma vie ta rencontre
Paris sur ma joue est un livre illustré paru aux éditions de l'atelier des mondes